Introduction
La Chambre de recours technique 3.3.04 a rendu la décision T0056/21 concernant la demande de brevet européen n° 15700545.5, intitulée « Variants de la région Fc avec une meilleure liaison à la protéine A ». Cette affaire portait sur une question controversée dans la procédure de délivrance de brevets : la Convention sur le brevet européen (CBE) exige-t-elle que la description d’une demande de brevet soit adaptée pour correspondre aux revendications admissibles ? La Chambre a statué qu’aucun fondement juridique, ni dans l’article 84 CBE ni dans les règles associées, n’impose une telle adaptation. Cette décision apporte des orientations cruciales aux praticiens du brevet naviguant entre les revendications et la description.
Résumé de l’invention
La demande porte sur des innovations dans le domaine des biopharmaceutiques, plus précisément des variantes de la région Fc des anticorps qui améliorent la liaison à la protéine A. Cette protéine, couramment utilisée dans les procédés de purification, se lie à la région Fc des anticorps. L’invention vise à améliorer l’efficacité de la purification des anticorps en modifiant les régions Fc pour augmenter l’affinité de liaison, optimisant ainsi le traitement en aval dans la production d’anticorps thérapeutiques.
Résumé de la décision
Principaux aspects juridiques et arguments
Le demandeur, F. Hoffmann-La Roche AG, a fait appel de la décision de la division d’examen qui avait refusé la demande au titre de l’article 84 CBE, arguant que la description n’était pas conforme aux revendications admissibles. La division d’examen avait avancé les arguments suivants :
- La description comprenait des éléments qui dépassaient le cadre des revendications, créant une ambiguïté quant à l’étendue de la protection.
- La suppression des éléments non revendiqués était nécessaire pour assurer la clarté, conformément aux Directives d’examen.
- Les répétitions ou contenus redondants dans la description contrevenaient à la règle 48(1)(c) CBE.
Le demandeur a soutenu que :
- L’article 84 CBE n’exige pas explicitement l’adaptation de la description aux revendications admissibles.
- Les Directives d’examen ne sont pas contraignantes et ne peuvent pas prévaloir sur la CBE.
- Adapter la description aux revendications compromettrait l’objectif de la description, qui est de divulguer l’invention et son contexte technique, comme le requièrent les articles 78 et 83 CBE.
Conclusions de la Chambre
La Chambre a fait droit à l’appel en soulignant les points suivants :
- Article 84 CBE : Bien que cet article impose clarté et support par la description, il n’exige pas explicitement la suppression de contenu non revendiqué dans les revendications finales.
- Rôle de la description : La description sert à divulguer l’invention de manière suffisante pour qu’un expert puisse la reproduire (article 83 CBE). Sa fonction principale n’est pas de déterminer l’étendue de la protection, régie par l’article 69 CBE et son protocole.
- Jurisprudence : La Chambre a cité des décisions antérieures, telles que G 2/88 et T 162/82, soulignant que les adaptations doivent reposer sur une base légale prévue par la CBE.
La Chambre a conclu qu’exiger l’adaptation stricte de la description aux revendications reviendrait à étendre indûment les exigences de l’article 84 CBE. Elle a également précisé que les Directives d’examen ne sont pas des sources juridiques contraignantes et ne peuvent introduire des exigences non prévues par la CBE.
Leçons à tirer
Cette décision renforce des principes essentiels pour les praticiens des brevets européens :
- Rôle des revendications et de la description : Les revendications définissent l’étendue légale de la protection, tandis que la description fournit le contexte technique de l’invention. Une séparation claire de ces rôles garantit le respect de la CBE.
- Limites de l’article 84 CBE : L’adaptation de la description aux revendications admissibles n’est pas une exigence légale en vertu de la CBE. Toute demande de modification doit s’appuyer sur des dispositions explicites de la Convention.
- Nature non contraignante des Directives : Les Directives d’examen sont des outils pratiques, mais elles ne peuvent imposer d’obligations légales au-delà de la CBE. Les praticiens doivent évaluer de manière critique les demandes d’amendements fondées sur ces directives.
- Cohérence avec la jurisprudence : Citer une jurisprudence établie reste une défense solide contre les interprétations excessives ou nouvelles de la CBE par les divisions d’examen.
Conclusion
La décision T 0056/21 apporte une clarté bienvenue sur la relation entre les revendications et la description dans les demandes de brevet européen. Elle souligne que les demandeurs ne sont pas légalement tenus d’adapter la description pour qu’elle soit strictement conforme aux revendications admissibles, réaffirmant les limites de l’article 84 CBE. Cette décision préserve les rôles distincts des revendications et des descriptions, tout en garantissant l’intégrité de la procédure de délivrance des brevets en vertu de la CBE
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Les informations fournies dans cet article de blog sont à des fins d'information générale uniquement et ne constituent pas un avis juridique. Le résumé et l'analyse de l'affaire de l'OEB sont basés sur des informations disponibles publiquement et visent à offrir des perspectives sur la décision et ses implications. Ce contenu ne doit pas être utilisé comme substitut à un avis juridique professionnel adapté à votre situation spécifique. Pour des conseils relatifs à des questions juridiques spécifiques sur le droit des brevers, vous devez consulter un conseil en propriété industrielle ou un avocat qualifié.