Introduction
La décision de la Chambre de recours technique de l'Office européen des brevets (OEB) dans l'affaire T0408/21 (numéro de demande : EP13855497.7) souligne l'importance de s'assurer que le texte destiné à la délivrance est explicitement accepté par le demandeur. Cette décision met en lumière les garanties procédurales prévues aux articles 113(2) et 97(1) CBE et leur application dans les cas où des divergences apparaissent entre le texte délivré et les soumissions ou approbations du demandeur.
L'affaire portait sur la question de savoir si le brevet délivré respectait le texte convenu avec le demandeur, en particulier en ce qui concerne des dessins omis. Elle illustre les exigences procédurales relatives aux communications en vertu de la règle 71(3) CBE et leurs implications pour les demandeurs, les titulaires de brevet et les divisions d'examen.
Résumé de l'invention
Le brevet porte sur un procédé de fabrication de rails en acier à haute résistance pour grues, avec des propriétés mécaniques améliorées. Les principales caractéristiques sont les suivantes :
Refroidissement et chauffage contrôlés :
- Un processus de refroidissement systématique pour obtenir des microstructures souhaitées.
- Un réchauffage contrôlé pour affiner la structure des grains.
Composition du matériau :
- Des éléments d'alliage spécifiques tels que le carbone, le manganèse et le silicium pour une meilleure résistance et ductilité.
Traitement de surface :
- Des processus pour améliorer la résistance à l'usure et réduire les imperfections de surface.
L'invention vise à optimiser l'équilibre entre la résistance et la ténacité tout en réduisant les coûts de fabrication, rendant l'acier adapté aux rails de grues lourdes et applications similaires.
Points clés de la décision
1. Contexte procédural
La division d'examen a délivré le brevet le 14 janvier 2021 sur la base d'une communication selon la règle 71(3) CBE datée du 24 août 2020. Cependant, le texte délivré excluait certains dessins (feuilles 1/6 à 6/6) qui faisaient partie de la demande initiale et étaient mentionnés dans la description.
Le demandeur (ArcelorMittal) a fait appel de la décision, affirmant que :
- La communication selon la règle 71(3) CBE ne les avait pas informés de l'omission des dessins.
- Le texte délivré ne correspondait à aucune version soumise ou approuvée.
2. Problèmes juridiques
La Chambre a évalué :
- Si le demandeur avait été informé du texte destiné à la délivrance conformément à la règle 71(3) CBE.
- Si l'omission des dessins contrevenait à l'article 113(2) CBE, qui stipule que l'OEB ne peut statuer que sur un texte soumis ou approuvé par le demandeur.
3. Arguments des parties
- Position du demandeur :
Le demandeur a affirmé que l'omission des dessins n'avait pas été communiquée dans la notification selon la règle 71(3) CBE. Le texte délivré faisait référence aux dessins dans la description, mais ceux-ci n'étaient pas inclus dans le Druckexemplar (texte officiel pour délivrance). Selon le demandeur, cette omission violait l'article 113(2) CBE. - Position de la division d'examen :
La division d'examen n'a pas explicitement traité l'omission, supposant que les références aux dessins dans la description suffisaient pour indiquer leur inclusion.
4. Analyse et conclusions de la Chambre
- Règle 71(3) CBE :
La Chambre a souligné que la règle 71(3) CBE exige la communication complète du texte destiné à la délivrance, y compris toutes les parties pertinentes de la description, des revendications et des dessins. L'omission des dessins sans communication explicite a été jugée non conforme. - Article 113(2) CBE :
Le texte délivré contredisait le texte approuvé par le demandeur, qui incluait des références aux dessins omis. Cette divergence violait l'article 113(2) CBE, car le demandeur n'avait jamais approuvé une version excluant les dessins. - Cohérence avec la jurisprudence :
La Chambre a cité les décisions T1003/19 et T2081/16, où des problèmes similaires ont été soulevés. Ces affaires ont établi que les demandeurs doivent être pleinement informés de toutes les modifications et omissions prévues avant la délivrance.
Décision finale :
- La décision de délivrance a été annulée.
- L'affaire a été renvoyée à la division d'examen avec des instructions pour délivrer le brevet sur la base :
- des pages de description 1 à 14 déposées le 4 mai 2018,
- des revendications 1 à 13 déposées le 6 décembre 2019,
- des feuilles de dessins 1/6 à 6/6 telles que publiées initialement.
Enseignements à tirer
1. Garantir la clarté des communications
Les examinateurs doivent indiquer clairement toutes les modifications ou omissions dans la communication selon la règle 71(3) CBE. Les demandeurs doivent examiner minutieusement ces communications pour détecter toute divergence.
2. Vérifier la cohérence entre les documents
Les demandeurs doivent s'assurer que toutes les parties référencées de la demande, y compris les dessins et descriptions, correspondent au texte délivré. Toute incohérence doit être rapidement signalée pendant la procédure.
3. Comprendre les garanties procédurales
L'article 113(2) CBE constitue une garantie essentielle pour les demandeurs, garantissant que le brevet délivré correspond à un texte approuvé. Ce principe est renforcé par la jurisprudence, notamment les décisions G 1/10 et G 1/12.
4. Importance d'un accord documenté
Les demandeurs doivent conserver des enregistrements clairs de toutes les versions soumises et approuvées de la demande pour éviter les litiges concernant le texte délivré.
5. S'appuyer sur la jurisprudence établie
Des décisions telles que T1003/19 et T2081/16 fournissent des orientations précieuses sur les exigences procédurales et les droits des demandeurs au regard de la CBE.
Bases juridiques
- Article 113(2) CBE : L'OEB ne peut statuer que sur un texte soumis ou approuvé par le demandeur.
- Règle 71(3) CBE : Communication du texte destiné à la délivrance.
- Jurisprudence :
- T 1003/19 : Clarification des exigences procédurales selon la règle 71(3) CBE.
- T 2081/16 : Accent sur le droit du demandeur d'être informé de toutes les modifications prévues.
- G 1/10 : Portée des corrections selon la règle 140 CBE.
Conclusion
L'affaire T0408/21 renforce les garanties procédurales qui assurent que les brevets délivrés correspondent à un texte explicitement approuvé par le demandeur. Elle souligne le rôle crucial des communications selon la règle 71(3) CBE pour maintenir la transparence et l'intégrité procédurale. Pour les demandeurs comme pour les examinateurs, une attention aux détails dans ces communications est essentielle pour éviter des erreurs procédurales.
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Avertissement juridique
Les informations fournies dans cet article de blog sont à des fins d'information générale uniquement et ne constituent pas un avis juridique. Le résumé et l'analyse de l'affaire de l'OEB sont basés sur des informations disponibles publiquement et visent à offrir des perspectives sur la décision et ses implications. Ce contenu ne doit pas être utilisé comme substitut à un avis juridique professionnel adapté à votre situation spécifique. Pour des conseils relatifs à des questions juridiques spécifiques sur le droit des brevers, vous devez consulter un conseil en propriété industrielle ou un avocat qualifié.