Introduction
La décision de la Chambre de recours de l'Office européen des brevets (OEB) dans l’affaire T1249/22 (numéro de demande : EP16199043.7) traite d’une question essentielle : comment évaluer l’activité inventive dans le cadre d’une mise en œuvre technique d’une méthode non technique ? Cette affaire explore l’interaction entre les caractéristiques techniques et non techniques dans le cadre de l’article 56 CBE, en mettant un accent particulier sur l’évaluation des modèles d’apprentissage automatique et leur intégration technique.
Les principaux points abordés incluent la suffisance des justifications fournies par la division d’examen, la distinction entre caractéristiques techniques et non techniques, et l’utilisation de l’état de la technique et des connaissances générales courantes. Cette affaire met en lumière l’importance d’une approche claire et rigoureuse dans l’évaluation de l’activité inventive.
Résumé de l’invention
Le brevet porte sur un système et une méthode pour développer et déployer des modèles analytiques, tels que des modèles d’apprentissage automatique, dans des environnements informatiques. L’invention répond au besoin d’intégration fluide des étapes de création, d’entraînement, de déploiement et de suivi des modèles. Les caractéristiques principales incluent :
Développement et entraînement des modèles :
- Un module de création de modèles permettant aux utilisateurs de sélectionner et d’entraîner des modèles analytiques, avec stockage des modèles entraînés et des métadonnées associées dans une base de données centralisée.
Déploiement des modèles :
- Un module de déploiement récupérant les modèles stockés pour les déployer sur des moteurs de calcul traitant des données en temps réel.
Gestion des ressources :
- Un module d’allocation des ressources évaluant l’utilisation historique pour optimiser la fréquence d’exécution et l’allocation des ressources nécessaires au déploiement des modèles.
Caractéristiques techniques :
- Le déploiement s’appuie sur la coordination avec des files de messages, la création de pipelines, et le suivi des résultats générés, garantissant des flux de traitement de données robustes.
Cette invention vise à améliorer l’efficacité des opérations pour les scientifiques des données et les ingénieurs, en mettant l’accent sur des processus techniques pour gérer les cycles de vie des modèles d’apprentissage automatique.
Points clés de la décision
1. Contexte procédural
La division d’examen a rejeté la demande pour absence d’activité inventive conformément aux articles 52(1) et 56 CBE. La décision reposait sur les connaissances générales courantes présumées et des extraits d’un ouvrage technique sur le calcul distribué (D5). Le demandeur a contesté le raisonnement et demandé le renvoi pour une nouvelle instruction.
2. Questions juridiques
La Chambre de recours a relevé plusieurs insuffisances dans le raisonnement de la division d’examen :
- Identification des caractéristiques techniques et non techniques :
La division d’examen a simplement souligné des parties du texte des revendications pour distinguer les aspects techniques et non techniques, sans fournir une analyse approfondie. - Définition du problème technique :
La décision manquait d’une définition claire du problème technique, en intégrant les exigences non techniques dans l’approche problème-solution. - Connaissances générales courantes :
L’utilisation de D5 comme représentant des connaissances générales courantes a été remise en question, notamment quant à sa pertinence en tant qu’état de la technique connu.
3. Arguments des parties
Position du demandeur :
- D5 ne représentait pas des connaissances générales courantes mais compilait des éléments de l’état de la technique distincts.
- La division d’examen n’a pas expliqué pourquoi des combinaisons spécifiques de caractéristiques auraient été évidentes pour la personne du métier.
- L’objection pour manque d’activité inventive manquait de fondement, car elle reposait sur une analyse insuffisante ou inexistante de l’approche problème-solution.
4. Analyse et conclusions de la Chambre
La Chambre a relevé plusieurs violations procédurales :
- Justification insuffisante :
La division d’examen n’a pas suffisamment expliqué comment les caractéristiques techniques et les exigences non techniques interagissaient pour résoudre le problème revendiqué. - Utilisation inadéquate de l’état de la technique :
La décision combinait à tort des éléments non liés de D5 sans justifier leur pertinence dans le cadre d’une approche problème-solution cohérente. - Non-intégration des exigences non techniques
La division d’examen a omis de considérer les aspects non techniques dans la définition du problème technique, ce qui est contraire à la jurisprudence établie, telle que la décision T 641/00 (COMVIK).
5. Résultat final
La Chambre a décidé :
- D’annuler la décision de rejet.
- De renvoyer l’affaire à la division d’examen pour une nouvelle instruction.
- De rembourser la taxe de recours en vertu de la règle 103(1)(a) CBE, reconnaissant une violation procédurale substantielle.
Enseignements à tirer
- Identifier correctement les caractéristiques :
Une distinction claire entre les caractéristiques techniques et non techniques est cruciale. Une simple mise en évidence ou une labellisation superficielle est insuffisante pour une analyse rigoureuse. - Intégrer les exigences non techniques :
Les aspects non techniques doivent être intégrés dans la formulation du problème technique. Ignorer ces aspects peut conduire à négliger la contribution inventive de l’invention dans son ensemble. - Vérifier la pertinence des connaissances générales courantes :
Les preuves citées comme connaissances générales courantes doivent être pertinentes et appropriées. Les ouvrages ou références compilant des éléments de l’état de la technique ne peuvent pas être automatiquement considérés comme tels. - Fournir un raisonnement complet :
Les décisions rejetant une activité inventive doivent inclure un raisonnement détaillé reliant l’état de la technique, le problème technique, et la solution revendiquée. - Suivre l’approche problème-solution :
Le respect de l’approche problème-solution garantit une évaluation cohérente et équitable de l’activité inventive, en définissant correctement le problème technique et en examinant si la solution revendiquée est évidente.
Conclusion
L’affaire T1249/22 met en lumière les défis liés à l’évaluation de l’activité inventive pour des inventions impliquant des méthodes non techniques mises en œuvre techniquement. La décision rappelle l’importance d’un raisonnement rigoureux, de l’intégration des exigences non techniques et d’une utilisation prudente de l’état de la technique.
Pour les praticiens, cette affaire souligne la nécessité de structurer les revendications et arguments de manière à répondre aux attentes techniques et procédurales de l’OEB.B.
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Avertissement juridique
Les informations fournies dans cet article de blog sont à des fins d'information générale uniquement et ne constituent pas un avis juridique. Le résumé et l'analyse de l'affaire de l'OEB sont basés sur des informations disponibles publiquement et visent à offrir des perspectives sur la décision et ses implications. Ce contenu ne doit pas être utilisé comme substitut à un avis juridique professionnel adapté à votre situation spécifique. Pour des conseils relatifs à des questions juridiques spécifiques sur le droit des brevers, vous devez consulter un conseil en propriété industrielle ou un avocat qualifié.